Les réseaux d'échanges réciproques de savoirs.
CoursOutils transverses

L'ignorance et le manque peuvent-ils être des valeurs ? Faire valeur ? A quelles conditions ?

L'ignorance, dans les RERS est considérée non comme ce qui exclut, humilie, stigmatise mais comme étape dans le processus d'apprendre.

Les RERS promeuvent une culture fondée sur la force de la demande, au sens où autrui est « attendu » pour sa contribution positive au bien commun et où cela lui est signifié : il est sollicité. A partir de là, chacun peut considérer ses propres manques comme des richesses à condition de pouvoir les connecter positivement.

Le manque est une valeur, un double signe que l'on fait : à soi de ce que l'on peut tenter d'apprendre ; et à autrui de ce que l'on attend quelque chose de lui pour avancer.

  1. Le manque est richesse s'il est un signe que l'on se fait à soi-même. "Ca, je ne le sais pas et je peux essayer de l'apprendre" est, pour beaucoup, une transformation de leur représentation d'eux-mêmes, des savoirs et de "l'apprendre" et, de ce fait, des mises en mouvement possibles. Cela libère des sentiments de honte générés par l'ignorance stigmatisée, intériorisée comme une infériorité. L'incertitude, en matière cognitive, la conscience de ne pas savoir, la connaissance de la nécessité de déconstruire ses évidences, d'avoir encore besoin d'apprendre ne sont-elles pas des conditions intellectuelles de tout apprentissage ? La prise de risque qui en résulte, tant dans la relation à soi-même qu'aux autres, pose la question du système social dans laquelle elle peut s'inscrire.

  2. Reconnaître son manque, c'est laisser à d'autres la possibilité de reconnaître leurs richesses, qu'ils peuvent partager. C'est ouvrir l'espace des possibles pour d'autres. C'est apprendre à reconnaître l'autre comme une chance, et à se faire chance pour l'autre. C'est apprendre à rendre compatibles les savoirs, les démarches, les questionnements, les outils. Le manque appelle et stimule la coopération, l'ouverture à autrui. Il est signe à autrui du besoin que l'on a de lui. L'autre peut alors, lui-même, s'ouvrir à ses propres manques. Les interactions peuvent alors devenir constructrices de savoirs : en résonances mentales, en construction coopérative des apprentissages, en nouvelle prise de conscience de ses savoirs et de ses ignorances, en "déplacements" dans ses propres savoirs et ignorances.

Nous sommes tous ignorants et savants. La capacité à savoir et à dire que l'on ne sait pas, ou que l'on ne sait pas seul, que l'on a besoin des savoirs d'autrui, pourrait être un critère de responsabilité, y compris politique, de représentativité. Que seraient des responsables qui ne savent plus qu'ils ont besoin d'apprendre de leurs concitoyens ? Cette capacité, cette conscience est une des sources de la tolérance et de la coopération :« La tolérance n'est pas une concession que je fais à l'autre, elle est la reconnaissance de principe qu'une partie de la vérité m'échappe. (Paul Ricœur) »

Conclusion (page suivante)Les savoirs dont nous avons besoin ? les savoirs émergents ? (page Précédente)
AccueilImprimer Claire HEBER-SUFFRIN creativecommons : by-nc-ndRéalisé avec SCENARI