Auteur : Jacques Chevalier, Professeur de géographie, aménagement, urbanisme ; Université du Maine : politiques de développement urbain durable en Amérique du nord, GREGUM-ESO, UMR 6590 CNRS
Au fur et à mesure que la suburbanisation progressait, le mode d’occupation dominant des espaces métropolitains s’est constitué à la fois d’étalement et de discontinuité. Et même si l’ « urbanisation des banlieues » a réellement fonctionné, la ville périphérique peu dense a malgré tout continué à s’étoffer. En effet, les faibles densités moyennes des zones résidentielles associées à un usage extensif du sol (maisons unifamiliales sur parcelles de jardin) se combinent toujours à d’imposantes infrastructures de transport, des zones réservées aux activités économiques, des espaces demeurés naturels ou agricoles ou encore des territoires dédiés aux loisirs. Il n’est donc pas étonnant de voir la densité moyenne des agglomérations diminuer.
La problématique de l’urban sprawl (étalement considéré comme excessif et peu contrôlé) a conduit, à partir de la fin de la décennie 1960 au plus tôt et principalement par la suite, à adopter des législations ou réglementations destinées à freiner, réduire et surtout mieux maîtriser l’expansion spatiale des espaces urbanisés. Dans le contexte d’une Amérique du Nord fédérale, l’initiative est le plus souvent venue des États (aux États-Unis) et toujours des Provinces au Canada avec, chaque fois, le souci de construire des réponses en fonction de conditions d’urbanisation et de référentiels sociopolitiques régionalement distincts. Aussi ne doit-on pas s’étonner de l’hétérogénéité de ces réponses. Une hétérogénéité qui tient autant aux modalités d’élaboration des outils de gestion de la croissance spatiale des villes qu’aux dispositifs de contrôle de l’urban sprawl utilisés (limite-t-on l’étalement en partant de la ville ou en partant des espaces naturels et agricoles ?). Ainsi, dans certains cas, la prééminence étatique fut et demeure déterminante.
L’exemple de référence, dans ce domaine, reste sans nul doute l’État d’Oregon qui, dès 1973, adopte un ensemble de lois mettant en place l’un des systèmes les plus centralisés et directifs de contrôle de la croissance spatiale des agglomérations. Plusieurs fois amandé depuis, le système fait interagir à la fois les besoins d’urbanisation et ceux de conservation ou restauration d’espaces ruraux au travers d’objectifs, de buts clairement affichés, déclinés ensuite aux différents échelons locaux ( ).
Légende
Cependant, au-delà de ces différences, qui renvoient largement aux cultures politiques propres à chaque État ou Province, il faut noter une réelle convergence vers des objectifs de « croissance spatiale « intelligente » » (smart growth), autour d’un référentiel qui s’est progressivement constitué et homogénéisé surtout durant la décennie 1990 ( ). Ainsi en est-il de bien des législations, les plus explicites étant les plus récemment mises en œuvre, à l’image de celles du Maryland (1997 et 1998) (), directement inspirées de ces principes tendant d’une part à limiter l’expansion spatiale désordonnée et coûteuse et, d’autre part, à promouvoir la reconquête ou la consolidation des territoires anciennement urbanisés, des législations qui par ailleurs mettent également l’accent sur la nécessaire prise en compte des espaces naturels et des territoires agricoles.