Les réseaux d'échanges réciproques de savoirs.
CoursOutils transverses

La question des rivalités

Le traitement de la question des rivalités me semble une nécessité absolue, y compris dans nos organisations « alternatives ».

Dans les institutions plus anciennes, plus stables, plus rigides, ces rivalités sont finalement en partie gérées par des règles qui se sont mises en place peu à peu, et permettent - si elles ne suppriment absolument pas ces rivalités, si même on ne peut pas dire qu'elles les traitent – de faire qu'elles ne mettent pas en danger l'institution. Dans ces types de réseaux « alternatifs », « solidaires » par choix, cela n'est ni donné, ni construit, ni le résultat quasi magique de la « théorie ». Pour des raisons politiques, éthiques, économiques, écologiques, psychologiques, affectives et culturelles, il est impératif de ne pas se masquer la question. Pour éviter de se détruire soi-même de l'intérieur.

Nous voulons essayer d'être dans une culture de référence plutôt qu'une culture de modèles. Et même de références réciproques et de construction de références communes. La démarche des RERS s'accommode mal du principe même du modèle, au sens de cadre d'action subi, de forme choisie pour sa reproductibilité même et rarement reconstruite par l'engagement créatif de ses acteurs.

« Il nous apparaît que partout où nous sommes capables de déployer un système d'activités cohérentes, écrit Ferdinand Gonseth, contemporain et collègue de Gaston Bachelard, quelle que soit la nature de notre engagement, ce déploiement ne se fait pas dans l'absolu, mais dans le cadre et en fonction d'un certain référentiel, c'est-à-dire d'un certain système de références informationnelles. Qu'il s'agisse de science ou de morale, de technique ou de sport, ce référentiel est au service du vivant que nous sommes. »

Mais qu'est-ce qui nous protège de nos propres rivalités ? N'avons-nous pas appris la rivalité depuis notre plus tendre enfance ? Cela n'a-t-il pas été fortement renforcé par l'école ?

Par l'organisation de la société ? Par sa façon de hiérarchiser les richesses ?

De considérer les richesses ? De distribuer la reconnaissance sociale ? D'en organiser même la restriction ?

Que faisons-nous quand telle personne « référence », c'est-à-dire qui, à un moment donné vous permet d'avancer – une sorte de mentor - (qui a parfois été constituée comme modèle) semble devenir, dans le parcours d'une personne un obstacle à sa propre croissance ? Comment le régulons-nous ? Nous ne sommes pas bien avancés là-dessus !

Toutes les sagesses éclairent ce point de façon qui éveille la curiosité mais ne peut satisfaire nos besoins de vivre dans des systèmes pacifiés... encore moins satisfaire nos désirs d'y parvenir. Nous nous lançons dans des pratiques coopératives et nous achoppons sur des tensions rivalitaires ! Y a-t-il des savoirs sur la « quasi impossibilité qu'ont les humains d'échapper à la rivalité » ?

Des savoirs pour surmonter cette quasi impossibilité ? Dans la filiation de Spinoza et plus encore dans celle de Robert Musil, il est sans doute souhaitable de parier sur « une ingénierie sociale et même (sur)... une ingénieriste morale appuyés sur l'idée d'essai... qui ne peut conduire à chaque fois qu'à des solutions partielles et provisoires. » (Bouveresse, 2001). Ce que d'autres formulent en termes encore plus directs : on peut faire le choix d'une éthique qui aura besoin d'une pédagogie très particulière, et qui affirme que « la responsabilité est première » (et non la connaissance) dans un monde qui nous est donné tout à la fois déterminé et intelligible. (Henri Atlan, 1999).

Et tout le travail des RERS est de s'efforcer d'accroître pour tous et pour chacun cette intelligibilité du monde. Utopie ?

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