Les réseaux d'échanges réciproques de savoirs.
CoursOutils transverses

Conscience de la réciprocité vécue dans les RERS

ExempleUn exemple vécu

Lors d'une formation dans un Réseau, je demandais aux participants de raconter des expériences de réciprocité « manquée ». Arlette raconte ceci : « j'apprends à lire et écrire le français à Fatima qui, elle, hélas, en échange, n'a pas grand-chose à nous offrir ! Elle nous a proposé le couscous. » Travaillant avec le groupe sur ce récit, nous avons pu rapidement poser un certain nombre d'analyses que je ne vais ici que résumer. Nous avons perçu toutes les dimensions du don, du don reçu, du don réciproque de Fatima, lui-même reçu. Nous avons analysé que ces quatre moments étaient véritablement construits par les acteurs, avec une intention d'instruire, une anticipation des formations, une réussite et une évaluation. Il était évident à tous qu'Arlette considérait qu'il n'y avait pas réciprocité parce qu'elle n'accordait pas une valeur équivalente aux savoirs concernés. Nous avons pu, ensemble, travailler sur les points de vue à partir desquels l'on pouvait – deux formulations sont possibles – soit considérer que ces savoirs étaient équivalents, soit considérer qu'ils étaient « incomparables, non hiérarchisables (Héber-Suffrin, 1992, p. 90 à 95). Le groupe a repéré aussi que dans l'enchaînement des réciprocités mises en œuvre, seule Arlette ne demandait rien dans le réseau.

Mais je voudrais insister sur ceci : Par chance, les personnes qui avaient appris le couscous étaient là, ainsi que l'assistante sociale auprès de laquelle Fatima était allé discuter des méthodes qu'elle allait utiliser « pour que chaque personne sache refaire le couscous seule ». Toutes exprimaient à quel point Fatima avait compris le système de réciprocité ouverte proposée, comment chacun se situait dans ce système, et l'intérêt de cette réciprocité-là. Ce dont, de son côté, Arlette n'avait pas conscience. Entendons-nous bien, la réciprocité dont je parle ici ne nie pas la dissymétrie qui existe entre celui qui sait et transmet et celui qui cherche et apprend. Cette dissymétrie se situe, à « un » moment donné, par rapport à « une » relation à ce savoir-là, entre offreurs et demandeurs. La proposition des RERS est de faire vivre les deux côtés de la dissymétrie à chacun. Ce qu'Arlette défaisait par sa non-conscience de la réciprocité, c'était la réciprocité elle-même. Elle ne s'apercevait pas qu'elle recréait, sans le vouloir, une disparité. Pour qu'il y ait réciprocité positive, il faut qu'il y ait conscience que cette réciprocité est possible, complexe, souhaitable, à construire ensemble réciproquement.

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