Les réseaux d'échanges réciproques de savoirs.
CoursOutils transverses

Qu'en est-il du « Nous » ?

Considérons d'abord les RERS comme acteur collectif. Quel type d'acteur collectif ?

Le réseau, c'est l'ensemble des personnes qui décident de s'organiser « en réseau », un espace intermédiaire entre la société et le privé. Ne pourrait-on parler de « communal » de notre temps ?

Ivan Illich (1994) rapporte que « voici une génération, Jane Jacobs démontrait de façon convaincante que, dans les villes traditionnelles, l'art d'habiter et la vitalité des communaux se renforcent au fur et à mesure que la ville s'élargit et que les liens entre les habitants se resserrent.  » il n'y a plus beaucoup de communaux – je fais référence aux communaux villageois, par exemple – de ces espaces communs aux membres de la communauté ; espaces communs dont l'accès était régi par des règles du jeu construites ensemble, acceptées par tous, spécifiques à chaque communauté. Les règles du jeu, la coutume indiquent comment on peut les utiliser, comment chacun les entretient, les enrichit et comment chacun y puise des ressources. Il est important qu'existe la conscience de cette richesse commune, en même temps que la conviction qu'elle est ressource pour chacun, sans exclusion.

Et Ivan Illich ajoute :« la destruction des communaux... est le facteur environnemental qui paralyse l'art d'habiter. »

Ne pourrait-on considérer les réseaux d'échanges réciproques de savoirs comme de communaux symboliques des temps actuels ? Des « communaux-réseaux » ? Ils appartiennent à ceux qui les font vivre, qui peuvent y puiser les ressources en savoirs et en intelligences, en créativité, en recherches communes de solutions, en imaginations sociales dont ils ont besoin pour continuer à « habiter » leur société. Ils savent aussi que ces communaux ne seront, ne resteront des ressources qu'autant que tous les alimenteront, en savoirs, en intelligences, en créativité sociale.

En effet, l'organisation en réseau peut émietter le social, faire perdre la conscience du « bien commun », ou, à l'inverse, autre risque, enfermer les personnes dans des espaces-cocons fermés, créant de nouveaux corporatismes ou communautarismes, des dépendances d'autant plus perverses qu'elles ne sont pas manifestes.

Il est donc, il me semble, tout à fait essentiel de considérer l'acteur collectif construit ainsi, l'organisation qu'il se choisit. Le réseau, s'il ne se dispense pas de règles communes démocratiques, peut réconcilier les traditions de solidarités (vécues en particulier dans les luttes populaires et transmises par l'éducation populaire) et la montée de l'individuation.

Les dimensions du « communal-réseau ». (page suivante)Cohérence entre le mouvement en soi, le mouvement entre les « Je » et le mouvement du « Nous » porteur du projet. (page Précédente)
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