E-diagnostic

Diagnostic de non-performance en contrôle aérien.

Le diagnostic de non-performance se base sur un estimateur fonctionnel de la complexité de la situation à contrôler. Celle-ci comprend initialement une série d'événements statiques et dynamiques qu'il faut identifier, analyser, contrôler et résoudre le cas échéant. Les événements élémentaires (EE) sont les événements qui ne peuvent pas être décomposés en d'autres événements. Leur analyse permet de les regrouper en trois catégories fonctionnelles d'événements : les événements isolés (EI) qui sont indépendants des autres événements, les événements dépendants (ED) qui peuvent être résolus par une intervention sur au moins un des événements impliqués et les événements globaux (EG) qui ne demandent pas d'intervention directe mais un contrôle continu de leur état. La dépendance entre événements est prédéterminée à partir d'une fonction DEPEND(e', e). De ces catégories d'événements doivent se définir les tâches associées pour le contrôle de la situation correspondante. Enfin, un poids d'exigence de tâche doit être affecté à chacune d'entre elles. Il est prédéfini par la fonction POIDS(TACHE(e)).

Cet algorithme a été appliqué pour les tâches du contrôleur radariste du trafic aérien dans une position de contrôle. Celle-ci gère les flux entrant et sortant des avions d'une zone géographique délimitée par des altitudes et des périphéries prédéfinies appelée secteur. Elle nécessite deux types de postes de contrôle. En France, elle est en général composée de plusieurs supports informationnels, ainsi que des liaisons spécifiques de communication externe :

Source : J. Vanderhaegen - 1993

Pour le poste radar, un écran radar permet de visualiser les évolutions en ligne des avions contrôlés, avec la possibilité à partir d'un clavier et d'une boule roulante de configurer les paramètres d'affichage, tels que le nombre de secteurs visualisés, le filtrage des avions affichés. Les communications avec les pilotes sont effectuées à l'aide d'une platine radio. De plus, une tablette sert de support pour le classement des « strips » transférés par le contrôleur organique. Un « strip » est une bande de papier cartonnée sur laquelle est présentée toutes les informations d'un plan de vol d'un avion. Enfin, un autre écran fournit des informations complémentaires générales telles que des données météorologiques, les zones militaires actives interdites au survol.

Quant au poste de contrôle organique, il est constitué non seulement d'écrans similaires (écran radar et écran TV) et d'une tablette pour placer ses strips, mais aussi de deux platines téléphoniques pour communiquer avec les autres positions de contrôle, d'une imprimante pour recevoir les strips et de l'écran tactile du digitatron pour communiquer avec le système CAUTRA (Coordonnateur AUtomatisé du TRafic Aérien) de gestion des plans de vol. En outre, le contrôleur organique agit indirectement sur le procédé puisque toutes les modifications d'un paramètre de vol s'effectuent en collaboration avec les contrôleurs des secteurs adjacents par téléphone et le contrôleur radar de la même position. Toutefois, l'ordre final de changement de cap pour éviter un conflit par exemple, n'est communiqué aux pilotes que par le contrôleur radar.

Par conséquent, le contrôleur radariste doit surveiller le trafic, prédire les conflits (deux ou plusieurs avions sont dits en conflit lorsqu'ils risquent de se croiser à une distance inférieure à 8 milles nautiques), et dans ce cas, il ordonne à l'un des pilotes de modifier sa trajectoire.

L'ensemble des événements élémentaires à considérer peut être les avions d'un même secteur géographique de contrôle. Leur analyse permet de les dissocier en événements isolés, i.e. les avions isolés, les événements dépendants, i.e. les conflits entre avions lorsque ceux-ci risquent de transgresser les normes minimales de séparation, et les événements globaux, i.e. la supervision du trafic global :

Les poids d'exigence fonctionnelle de celui-ci ont été choisis de manière à assimiler le niveau d'exigence impliqué par la surveillance d'un certain nombre d'avions à celui d'un certain nombre de conflits. Ainsi, par exemple, un trafic d'une densité de 15 avions représente un poids d'exigence identique à la détection ou la résolution d'un conflit à deux avions, alors qu'une densité de 30 avions est assimilée aux exigences de 3 conflits. De ce fait, l'unité d'exigence, notée NEA, peut être considérée comme le Nombre Equivalent d'Avions puisque les différentes interférences entre avions se basent sur les exigences d'un avion isolé non problématique pour quantifier la difficulté d'une situation donnée. L'ensemble de ces poids d'exigences a été déterminé empiriquement avec l'aide de contrôleurs professionnels.

L'évolution des exigences pour deux avions conflictuels pour lesquels les niveaux de vol sont stables, sans tenir compte des exigences engendrées par le nombre total d'avions à superviser est la suivante :

Cet estimateur d'exigence de tâches du contrôle du trafic aérien a été intégré dans une plate-forme expérimentale SPECTRA (Système de Partage Expérimental des tâches de Contrôle du TRafic Aérien). SPECTRA a été conçue pour l'étude de faisabilité d'une répartition dynamique de tâches entre un contrôleur radariste et un système automatisé en collaboration avec le CENA (Centre d'Etude de la Navigation Aérienne).

Cette plate-forme permet de mettre en oeuvre plusieurs types d'environnements :

  • un environnement sans aide où le contrôleur humain effectue le contrôle seul, sans aucune assistance,

  • deux environnements mettant en oeuvre l'assistance du système automatisé selon deux modes : le mode manuel où la gestion de l'aide est faire par l'opérateur humain et le mode automatique où cette gestion est fate par le système automatisé à partir de l'estimateur d'exigence de tâches présenté ci-dessus.

SPECTRA comprend une vue radar pour l'affichage en ligne de l'évolution des avions dans un secteur aérien donné :

Source : LAMIH

SPECTRA comprend également un stripping électronique contenant les plans de vol des avions à contrôler, les options pour gérer la vue radar, et l'ensemble des données nécessaires à la réalisation des expérimentations :

Source : LAMIH

Le système automatisé intégré dans SPECTRA peut détecter tous les conflits mais n'est capable de résoudre et de surveiller que les conflits entre deux avions dans des conditions relativement simples. Ses stratégies de résolution sont alors indiquées sur les plans de vols.

Des expérimentations sans aide et avec aide ont été réalisées au Centre de Contrôle d'Athis-Mons, avec neuf contrôleurs professionnels certifiés et six ingénieurs de la navigation aérienne. L'estimateur d'exigences de tâche a été activé dans chacune d'elles afin d'une part de comparer l'évolution des exigences avec les évaluations subjectives de la charge de travail par le contrôleur aérien à partir d'une échelle graduée, et d'autre part de comparer les résultats pour les différentes expérimentations. Dans la répartition automatisée, un seuil d'exigence au delà duquel le système automatisé décide d'affecter une ou plusieurs tâches au système automatisé a été déterminé à 45 NEA à partir d'expérimentations préalables avec un contrôleur certifié.

Voici un exemple de l'évolution, au cours du temps, d'une part des exigences de tâches, et d'autre part des réponses de deux contrôleurs sur l'échelle d'évaluation de la charge de travail. Dans la majorité des expérimentations, l'évolution de la charge de travail subjective suit assez fidèlement l'évolution des exigences mesurées par le modèle.

Cette corrélation a d'ailleurs été vérifiée par le test statistique non paramétrique de Kendall, qui permet de déceler une dépendance monotone entre deux variables X et Y, i.e. les exigences de tâches et les évaluations subjectives respectivement, au vu des couples (xi, yi) où les valeurs de xi et yi sont observées aux mêmes dates. Ce test compare alors le sens de l'évolution de valeurs de chaque couple (yi, yj) avec celui de chaque couple (xi, xj) correspondant. Sur les 45 expérimentations, 44 d'entre elles conduisent, au risque de 0,5%, à rejeter l'hypothèse qu'il n'y a pas de dépendance monotone entre les deux types de mesure. Ce résultat montre sans équivoque que le critère d'exigences de tâche caractérise fidèlement les difficultés réelles du trafic. Le partage des tâches géré par le système automatisé est donc basé sur un indicateur fiable. De plus, le diagnostic d'une surcharge ou d'une sous-charge de travail mentale peut être basé sur un estimateur d'exigences de tâches. Les tâches de diagnostic des contrôleurs aériens sont facilitées lors de l'exploitation des capacités du système automatisé. Cette aide facilite les tâches de détection, de localisation et du traitement d'événements dépendants et indépendants relatifs à la configuration des avions dans le secteur. Lorsque la gestion de l'aide est faite automatiquement, la qualité de la résolution des conflits et la performance humaine sont améliorées :

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